Cliente by Balasko Josiane

Author:Balasko, Josiane [Balasko, Josiane]
Language: eng
Format: epub, mobi
Tags: Romance, Roman
Publisher: le Livre de poche
Published: 2011-06-26T21:58:48+00:00

20

Marco

Ce soir-là, nous ne sommes pas rentrés à la maison. Fanny a téléphoné à Maggy pour la prévenir qu’on dormirait chez Mémée. Maggy a dû être étonnée, car Fanny lui a répondu assez sèchement :

— Pour être tranquilles, pour une fois.

Tranquilles, je sais pas si on l’était. On s’est retrouvés dans la chambre de bonne. On se sentait mal tous les deux. On n’avait pas envie de faire l’amour.

J’ai ouvert la penderie, il restait quelques fringues de Patrick. Patrick, je l’avais tué, enterré. De toute façon, ce mec-là vivait par à-coups. Et Fanny me demandait de le ressusciter. Pendant que j’étais là à regarder les vêtements, Fanny m’a dit :

— C’est une connerie ce que je t’ai dit. Oublie, s’il te plaît, Marco, oublie.

Puis elle s’est mise à pleurer. Je l’ai prise dans mes bras, je l’ai bercée, je lui ai dit qu’il fallait essayer, que c’était la seule solution. La plus rapide, la plus efficace. Pour elle comme pour moi. Pour qu’on s’en sorte. Elle s’est calmée, elle a essuyé ses larmes et m’a demandé si j’en étais sûr.

Oui, j’en étais sûr.

Alors on s’est mis à parler sérieusement. Je lui ai expliqué comment ça se passait, combien ça rapportait, j’ai été assez précis sans entrer dans les détails. Et puis on a fait les comptes. Ce qu’il fallait gagner et en combien de temps on pouvait l’obtenir. Il y avait juste à renouer tous les fils que j’avais coupés.

À vrai dire, il n’y en a pas tant que ça. L’Italienne a émigré, ma page Internet est fermée, il reste Judith et l’avocate, dont j’ai les téléphones. L’avocate me répond joyeusement qu’elle vient de rencontrer un type formidable, et qu’elle songe à se marier. Je la félicite, mais ça n’arrange pas mes affaires. J’hésite à appeler Judith, mais le temps presse. Peut-être qu’elle va m’envoyer balader, peut-être qu’elle aussi… Non, c’est pas le genre à rencontrer l’homme de sa vie. Et je me rappelle ce qu’elle m’a dit la dernière fois qu’on s’est vus : « Si jamais tu reprends le métier…» Elle ne connaît rien de ma vie, ou si peu, elle a dû avoir comme un pressentiment, ou du moins, elle a suffisamment pratiqué pour savoir qu’on arrête pas si facilement.

Nous sommes repassés chez Maggy tôt le lendemain, le temps que Fanny se change avant d’aller au salon. Maggy n’a fait aucune réflexion particulière, son regard suffisait, un regard navré, effondré. Ça m’a filé les boules, j’avais pas envie de supporter cette ambiance toute la journée, vu que j’avais rien à faire de spécial. À part appeler Judith. C’était quelque chose de spécial. En partant, je lui ai dit que j’allais m’inscrire chez Manpower. Elle a eu un petit sourire satisfait qui signifiait « c’est pas trop tôt » et m’a demandé :

— C’est ouvert le samedi, Manpower ?

— Bien sûr. Pas ici, mais à Paris, oui.

Fanny ayant gardé la bagnole, j’ai pris le train et j’ai atterri gare de l’Est. Une éternité que j’y avais pas foutu les pieds.

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