Portrait de l'assassin en artiste by Morrell

Author:Morrell
Language: eng
Format: epub
Publisher: Marabout
Published: 2014-01-01T05:00:00+00:00

À l’extérieur de la prison de Coldbath Fields, un messager émergea du brouillard et emprunta la mal nommée Mount Pleasant Street jusqu’à la porte barrée. Au sud-est, en direction des docks, un tumulte agitait la nuit. Pour être audible à cette distance malgré le brouillard, il fallait qu’il fût provoqué par un événement grave, et l’homme savait que c’était justement le cas. Des bandes écumaient les rues, pourchassant les marins. Trois malheureux s’étaient déjà fait tuer, deux autres avaient été roués de coups. D’autres encore s’étaient fait capturer, à qui on comptait bien faire avouer leurs crimes. Ceux qui avaient loué des lits dans des pensions s’étaient enfermés à l’intérieur, tirant les volets devant leurs fenêtres brisées par les jets de pierres. Un groupe de vingt hommes avait trouvé refuge dans un entrepôt des docks et s’était armé pour résister à un assaut. Les agents affectés à la surveillance des rues s’affairaient à présent à maîtriser les bandes.

Le messager frappa le heurtoir contre la porte de la prison.

Un oculus s’ouvrit, par lequel un gardien demanda :

— Déclarez l’objet de votre visite.

— J’apporte un message du ministre de l’Intérieur qui réclame l’attention immédiate de votre gouverneur.

L’homme montra une enveloppe, dont une lampe à gaz au-dessus de l’entrée fit apparaître le sceau officiel.

— Le gouverneur dort.

— Cette lettre concerne le mangeur d’opium. Elle doit être délivrée sur-le-champ. Lord Palmerston attend la réponse.

Le garde restait indécis.

— Je vous recommande fortement de réveiller le gouverneur, s’impatienta le messager, ou vous risquez de vous retrouver sans emploi dès demain matin.

Il y eut encore un moment d’hésitation, puis…

— Attendez ici.

L’oculus se referma.

Bien sûr que je vais attendre ici, pensa le messager. Où diable pourrais-je bien patienter puisqu’on ne m’a pas fait entrer ?

Au loin, la clameur de la rue persistait. Plusieurs cris s’élevèrent au-dessus du bruit de fond.

Après avoir compté jusqu’à trente, le messager leva le bras pour frapper de nouveau au battant. Mais alors qu’il s’apprêtait à le faire, la lourde serrure grinça et la porte s’ouvrit.

— Le gouverneur vous attend.

— Bien.

— Je vais vous conduire.

— Je connais le chemin. C’est par là.

Le messager adressa un bref hochement de tête aux deux autres gardes postés près de l’entrée, puis se dirigea vers un bâtiment lugubre sur sa gauche.

Ayant passé une robe de magistrat par-dessus ses vêtements de nuit, le gouverneur l’attendait derrière son bureau. Il faisait froid car on avait laissé le feu s’éteindre. Les rideaux clos peinaient à conserver un semblant de chaleur. L’administrateur se tenait penché au-dessus d’une lampe posée sur son bureau, qui révélait un visage plus bouffi encore que d’habitude à cause de ce réveil inopiné.

— C’est lord Palmerston qui vous envoie ? demanda-t-il nerveusement.

— Oui, cela concerne le mangeur d’opium.

Le messager ferma derrière lui, traversa la pièce et lui tendit l’enveloppe cachetée.

Le gouverneur l’ouvrit à l’aide d’un coupe-papier.

— Vous pouvez vous asseoir, indiqua-t-il distraitement à son interlocuteur, tandis qu’il examinait la feuille pliée.

— Merci, mais on m’a ordonné de rentrer sur-le-champ pour confirmer à lord Palmerston que ses ordres sont bien suivis.

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