La fille du capitaine by Alexandre Pouchkine

La fille du capitaine by Alexandre Pouchkine

Author:Alexandre Pouchkine
Format: epub


VIII

La visite inattendue

La place se trouva vide. Je me tenais au même endroit, ne pouvant rassembler mes idées troublées par tant d’émotions terribles.

Mon incertitude sur le sort de Marie Ivanovna me tourmentait plus que toute autre chose. « Où est-elle ? qu’est-elle devenue ? a-t-elle eu le temps de se cacher ? sa retraite est-elle sûre ? » Rempli de ces pensées accablantes, j’entrai dans la maison du commandant. Tout y était vide. Les chaises, les tables, les armoires étaient brûlées, la vaisselle en pièces. Un affreux désordre régnait partout. Je montai rapidement le petit escalier qui conduisait à la chambre de Marie Ivanovna, où j’allais entrer pour la première fois de ma vie. Son lit était bouleversé, l’armoire ouverte et dévalisée. Une lampe brûlait encore devant le kivot[46], vide également. On n’avait pas emporté non plus un petit miroir accroché entre la porte et la fenêtre. Qu’était devenue l’hôtesse de cette simple et virginale cellule ? Une idée terrible me traversait l’esprit. J’imaginai Marie dans les mains des brigands. Mon cœur se serra ; je fondis en larmes et prononçai à haute voix le nom de mon amante. En ce moment, un léger bruit se fit entendre, et Palachka, toute pâle, sortit de derrière l’armoire.

« Ah ! Piôtr Andréitch, dit-elle en joignant les mains, quelle journée ! quelles horreurs !

– Marie Ivanovna ? demandai-je avec impatience ; que fait Marie Ivanovna ?

– La demoiselle est en vie, répondit Palachka ; elle est cachée chez Akoulina Pamphilovna.

– Chez la femme du pope ! m’écriai-je avec terreur. Grand Dieu ! Pougatcheff est là ! »

Je me précipitai hors de la chambre, je descendis en deux sauts dans la rue, et, tout éperdu, me mis à courir vers la maison du pope. Elle retentissait de chansons, de cris et d’éclats de rire. Pougatcheff y tenait table avec ses compagnons. Palachka m’avait suivi. Je l’envoyai appeler en cachette Akoulina Pamphilovna. Un moment après, la femme du pope sortit dans l’antichambre, un flacon vide à la main.

« Au nom du ciel, où est Marie Ivanovna ? demandai-je avec une agitation inexprimable.

– Elle est couchée, ma petite colombe, répondit la femme du pope, sur mon lit, derrière la cloison. Ah ! Piôtr Andréitch, un malheur était bien près d’arriver. Mais, grâce à Dieu, tout s’est heureusement passé. Le scélérat s’était à peine assis à table, que la pauvrette se mit à gémir. Je me sentis mourir de peur. Il l’entendit : « Qui est-ce qui gémit chez toi, vieille ? » Je saluai le brigand jusqu’à terre : « Ma nièce, tsar ; elle est malade et alitée il y a plus d’une semaine. – Et ta nièce est jeune ? – Elle est jeune, tsar. – Voyons, vieille, montre-moi ta nièce. » Je sentis le cœur me manquer ; mais que pouvais-je faire ? « Fort bien, tsar ; mais la fille n’aura pas la force de se lever et de venir devant Ta Grâce. – Ce n’est rien, vieille ; j’irai moi-même la voir.



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