La Nouvelle Justine, ou, Les malheurs de la vertu by Sade (marquis de)

La Nouvelle Justine, ou, Les malheurs de la vertu by Sade (marquis de)

Author:Sade (marquis de) [Sade]
Language: eng
Format: epub
Tags: Erotique
Publisher: 10/18
Published: 2011-03-24T01:33:24+00:00


De toutes ces maisons, dans lesquelles on affectait de me recevoir avec bienveillance, celle du cavalier Rocupero me fixa plus particulièrement. Ce vieux noble et sa femme pouvaient à peu près former un siècle à eux deux.

La médiocrité de leur fortune leur faisait élever et nourrir avec une beaucoup trop grande économie, les trois plus belles filles quêe˚t jamais créées la nature. La première se nommait Camille ; elle avait vingt ans, brune, la peau dêun blanc à éblouir, les yeux les plus expressifs, la bouche la plus agréable, et la taille dêHébé même. La seconde, plus intéressante, mais moins belle, nêavait que dix-huit ans, ses cheveux étaient ch‚tains ; ses grands yeux bleus, là de langueur, respiraient à la fois lêamour et la volupté ; sa taille, ronde et bien remplie, promettait la meilleure jouissance ; on la nommait Véronique ; et, certes, je lêeusse préférée, non pas uniquement à Camille, mais à toute la terre, sans les attraits célestes de Laurence, qui, quoique à peine ‚gée de quinze ans, surpassait en beauté, et ses súurs, et les plus belles personnes de toute la Sicile.

¿ peine fus-je introduit chez ce bon gentilhomme, que je résolus dêy porter à la fois le trouble, la désolation, lêimpudicité, le déshonneur, et tous les fléaux du crime et du désespoir. La probité régnait dans cette maison ; la beauté, la vertu semblaient de même y avoir établi leur empire ; en fallait-il plus pour échauffer en moi le désir de la souiller par tous les forfaits imaginables ! Je commençai par des largesses, que lêon nêaccepta quêavec peine ; mais les vues dêalliance que je manifestai bientôt ne permirent plus aucun refus. On me pria dêexpliquer ces vues. Comment voulez-vous, répondis-je, que je me prononce entre les trois Gr‚ces ; donnez-moi donc le temps de mieux connaître vos charmantes filles, et je pourrai vous dire alors laquelle doit fixer mon cúur. Les choses en cette position, vous imaginez facilement que je profitai des délais pour les suborner toutes trois. Comme je leur avais recommandé le plus profond mystère, elles nêeurent garde de sêavouer réciproquement ce que je leur communiquais, de manière quêaucune dêelles ne savait à quel point jêen étais avec sa compagne. De ce moment, voilà comme je me conduisis.

Camille fut celle que je séduisis la première ; et, lêayant trompée sous les plus belles espérances de mariage, au bout dêun mois jêen tirai tout ce que je voulus. quêelle était belle ! et quels charmes nêéprouvai-je pas à

sa jouissance ! ¿ peine fut-elle foutue de toutes manières, que jêattaquai Véronique ; et, réveillant la jalousie de Camille, je lêarmai si bien contre sa súur, quêelle résolut de la poignarder. Lêardeur du tempérament des Siciliennes admet tous les moyens sanglants ; là, lêon ne connaît que deux passions, la vengeance et lêamour. Dès que je crus être bien certain des intentions criminelles de Camille, jêen fis prévenir Véronique ; je parvins à la faire éclairer, au point de ne pas même lui laisser la consolante idée du doute.



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