1502 by Ennis Michael

Author:Ennis Michael
Language: fra
Format: epub
Published: 2014-06-02T04:00:00+00:00

À peine avais-je prononcé ces mots que je remarquai un témoin de mon serment, bien qu’il paraisse aussi fantomatique que les visages du passé que j’avais laissés à Florence. Il se tenait à une cinquantaine de braccia de moi, sous l’arcade d’une boutique donnant sur la rue. Sa cape se détachait à peine plus qu’une ombre sur les volets de la façade de la boutique, et son visage était si bien enveloppé dans son capuchon qu’il ressemblait à un simple masque de carnaval blanc comme l’os – dans ce cas précis, le visage émacié de la Mort, plutôt que celui du diable à barbe de bouc que j’avais si brièvement aperçu dans la pianura . Et pourtant, je fus immédiatement saisi de la terrifiante conviction que cet homme avait été présent cette nuit-là.

Je ne pensais pas que changer de route écarterait le danger. S’il s’agissait effectivement de l’apprenti du meurtrier – ou peut-être même du maître de l’atelier –, fuir ne ferait que reporter l’affrontement fatidique à une occasion où je serais peut-être encore moins sur mes gardes.

J’entrepris de m’avancer vers lui, le cœur tambourinant dans ma poitrine. Arrivé à mi-chemin, je ne distinguais toujours rien de plus de son visage – ou de son masque – qu’une pâle illusion.

Avec l’attitude de bravoure désespérée d’un hérétique impénitent debout devant son bûcher, je lançai :

« Eh, vous ! C’est un nouveau masque que vous avez là ? »

Une étrange métamorphose s’opéra sous son capuchon, comme si ce crâne blanchi avait commencé à se couvrir de chair pâle. Je voyais à présent ses orbites sombres, à défaut de ses yeux.

Sa cape se déploya comme les ailes d’un aigle s’apprêtant à prendre son envol et je me préparai à son attaque, mais il me tourna le dos pour s’éloigner d’un pas si vif qu’il était sorti à l’autre bout de la galerie presque en moins de temps qu’il ne m’en fallut pour prendre une inspiration. C’est seulement lorsqu’il eut complètement disparu qu’il me vint à l’esprit que cette route allait le mener directement à mon logement – aux alentours duquel il trouverait facilement un endroit où se cacher pour m’attendre.

Je m’élançai si rapidement à sa poursuite que l’air froid me brouillait la vue et que je faillis glisser en tournant au coin…

Je m’arrêtai en dérapant à tout au plus une portée de bras de la pointe d’un stylet.

« Vous avez vu ça ? »

Je levai les yeux. Le visage était entièrement humain, bien que la bouche semblât figée en forme de O. Je le reconnus au même instant où j’identifiai sa voix.

« Giacomo ?

– Il est passé juste devant moi, me répondit l’assistant de Maître Leonardo avec indignation. Il m’aurait renversé si je ne m’étais pas écarté.

– Avez-vous vu son visage ? »

Il secoua la tête.

« Ce n’était pas un homme.

– Mais pas le masque que vous avez vu dans les bois l’autre jour non plus. »

Celui que j’avais vu moi-même dans la pianura .

« Non. Le visage de la lune. Ou d’une chouette.

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